L'élève dyslexique au collège

PREAMBULE

Ce document a été rédigé par un comité pluridisciplinaire
comprenant des parents, des enseignants, des psychologues et des orthophonistes
dans le cadre d'un groupe de réflexions sur ce thème à Deuil-La Barre.

La rubrique "Que faire, comment les aider" a été élaborée avec le concours
des enseignants qui ont généreusement détaillé nombre de leurs
"Trucs, méthodes et stratégies".

Le dyslexique est un élève qui va devoir, sans arrêt, compenser, parfois à son insu, parfois en recherchant activement des moyens, afin d'avoir le même rendement que les autres élèves.
La rééducation orthophonique sera sa principale "arme", mais il devra, lui aussi, mener son propre combat.

Nous devons essayer de comprendre les difficultés rencontrées par l'élève dyslexique lors de sa scolarité, et ceci par matière, puisque la dyslexie et les troubles associés du langage oral et écrit pourront le perturber dans toutes les activités scolaires et pas seulement en français.

Il est très important de savoir que l'erreur est presque toujours incomprise par l'enfant car jugée "bête", "illogique". Elle sera psychologiquement tellement gênante que l'élève la mettra au rebut" sans chercher à la comprendre, donc sans possibilité de lutter contre elle.

Chez les enseignants, elle entraîne souvent un jugement peu favorable ; chez les parents, il y a en plus de la colère et de l'angoisse ; chez les copains, de la moquerie et chez le dyslexique un profond sentiment de dévalorisation.

N'oublions pas que la plupart des dyslexiques subissent leur trouble, sans le comprendre, et se rejettent, acceptant le jugement de "nul" porté par l'extérieur. Il n'y aura aucune argumentation possible puisqu'il y aura une méconnaissance totale de ce qui a provoqué les erreurs.

C'est pour cette raison qu'il est extrêmement important que les éducateurs (parents et enseignants) puissent, en comprenant mieux ces troubles du langage oral et écrit, aider l'élève dans le long parcours de la reconstruction de sa confiance en lui et en ses capacités.

Voici quelques exemples de difficultés rencontrées dans les apprentissages. Elles relèvent de différents troubles : dyslexie, dysorthographie, dysgraphie, dyscalculie et dysphasie. Bien heureusement, un élève n'aura pas l'ensemble des difficultés décrites.

 Pour l'ensemble des matières

a)      Les troubles de la lecture :

L'inversion des lettres, la confusion des sons ou des mots, les mécanismes non acquis
(s/ss, ge, gue, etc.) et la lenteur vont entraîner une mauvaise compréhension du texte.
De plus, lors des contrôles écrits, le déchiffrage des questions posera les mêmes problèmes.

b)       Les troubles de l'orthographe :

Encore englué dans les difficultés de la transcription des sons il ne peut avoir l'accés immédiat aux notions grammaticales (lorsqu'il en est à choisir le bon son f/v, b/d, ch/j, etc. il ne s'attarde même plus sur l'accord ou la terminaison verbale).

La copie reste un exercice de "style" périlleux. Outre la difficulté à lire et à comprendre le texte, il y a
la mauvaise perception des lettres, leur inversion, leur confusion, leur omission.

L'élève perd l'endroit où il était, revient en arrière, écrit deux fois la même chose, saute des mots ou des paragraphes. Le temps de revenir sur son cahier, il a oublié ce qu'il doit écrire ( mauvaise mémoire à court terme). Il copie souvent lettre par lettre ou par groupes de lettres sans voir le son ou le sens.

 

c)        Les troubles de la parole :

Le débit sera parfois saccadé car sa pensée va plus vite que ses mots.

Les inversions de syllabes ou de mots, les inventions de mots ne sont pas encore entièrement contrôlées.

Parfois l'élève aura un langage oral inhibé car il sera conscient de ses difficultés à s'exprimer clairement, ce qui entraînera un manque de participation.

L'aide des adultes sera de le rassurer, de l'aider à maîtriser son débit et principalement de le laisser s'exprimer entièrement sans lui couper la parole. Avoir le temps pour dire est encore une donnée extrêmement importante.

 

d)   Les troubles de l'écriture :

Le graphisme est mal formé, lié à des problèmes de psychomotricité fine, d'orientation dans l'espace. Les ratures sont très fréquentes et témoignent d'une volonté d'autocorrection.

Ce dysgraphisme peut servir aussi, de façon plus ou moins consciente, à masquer les fautes d'orthographe.

Le soin est négligé et révèle le refus inconscient, le rejet de l'acte qui mettra en évidence l'échec ou la différence.

Pour l'écriture et le soin, l'enseignant peut faire passer à l'élève le message suivant :

"tu écris pour toi ou pour être lu. Dans les deux cas, c'est plus agréable quand le texte est aéré et clair, tu apprendras mieux sur un support clair, l'enseignant te comprendras plus aisément. Tu n'as plus besoin de masquer tes fautes, tu les assumes, tu écris pour exprimer quelque chose pas pour être sanctionné pour des fautes".

 


e)   Les troubles d'orientation spatiale :

Ils sont visibles dans la mise en page, le non-respect des lignes ou dans la reproduction d'un schéma.
Les inversions des directions vont se faire sans que le dyslexique les repère et
elles vont induire beaucoup d'erreurs non pas de compréhension, mais de pratique.

La compréhension de l'enseignant lui permettra de mieux décoder certaines cartes ou schémas,
d'en être moins "horrifié" et d'en noter les vrais éléments appris, au lieu de tout barrer.

f)     Les troubles d'orientation dans le temps :

Ils vont le gêner dans l'utilisation du cahier de texte, dans la succession et dans les délais. La remise à plus tard du travail à faire, ne sera pas seulement un refus de faire mais aussi une estimation erronée et sincère du temps restant.

Sa mauvaise orientation dans le temps va s'exprimer tout particulièrement en histoire.


g)   La lenteur :

L'enseignant pourra accorder à l'élève plus de temps à la réalisation d'un devoir fait en cours, compte tenu du temps "perdu" par l'élève lors de la mise en place de ses systèmes de compensation intellectuelle.

Recherche de l'orthographe d'un mot, de ses sons, du sens, de sa différence par rapport à un autre synonyme ou homonyme, ex : l'élève veut écrire "perpendiculaire" et il va en même temps penser "parallèle", le mot sera ainsi écrit en premier jet : perpendiquelle. Il sait que ce n'est pas cela, mais le temps qu'il retrouve dans sa tête les deux mots, qu'il puisse les syllaber afin de les différencier et de pouvoir les écrire, il aura perdu de bonnes minutes.

 

h)    Les troubles d'apprentissage :

Ils seront plus ou moins importants selon que l'élève saura ou non utiliser au mieux sa meilleure mémoire.

Le dyslexique à prédominance de troubles visuels aura plus de difficultés dans l'apprentissage des cartes, des schémas, des plans de cours; ses inversions de direction seront encore plus massives.

Le dyslexique à prédominance de troubles auditifs ne s'entendra pas parler, ne pourra pas retrouver auditivement le bon mot, le bon son ou le bon accent. Malgré une bonne compréhension, l'écoute, seule, du cours ne lui permettra pas de le mémoriser..

De plus les troubles de la lecture vont entraîner des difficultés d'intégration des connaissances et donc de mémorisation.

Les mots complexes, longs ou étrangers sont très difficiles à lire et à mémoriser. Ainsi, malgré un réel apprentissage, il y aura une mauvaise restitution et l'obtention d'une note décevante, donc démotivante.

La prise de notes des informations écrites au tableau ou dictées sera parfois chaotique car l'élève aura du mal à se répérer. Ainsi le contenu de son cours sera désordonné et incomplet. Dès lors, l'apprentissage de la leçon, fait sur un texte parfois très destructuré, sera périlleux.

L'aide de l'enseignant sera de lui faire prendre conscience de sa difficulté à prendre des notes et des conséquences que cela aura sur l'apprentissage.


Le regard de l'enseignant devra être exigeant, bien sûr, mais encourageant car il comprendra la différence entre celui qui n'a pas appris et celui qui, ayant déjà passé beaucoup de temps, risquerait d'être en plus pénalisé "comme si" il n'avait rien fait !

 

i)   Les troubles de l'attention :

Ils sont souvent massifs. L'écoute de l'élève est perturbée car il lui faut faire des efforts incessants pour remettre en ordre les sons ou les repères.

Les phénomènes affectifs de fuite dans l'imaginaire sont également présents et consécutifs à un sentiment d'échec. Cette fuite est négative, car elle freine les acquisitions, mais elle est nécessaire, car elle permet à l'adolescent de ne pas sombrer dans la dépression.

Il doit fournir deux fois plus d'efforts qu'un autre et est donc nécessairement plus fatigué que les autres, ce qui accentue les problèmes d'écoute.

En pratique, le placer devant, seul ou à coté d'un élève calme et au centre du tableau plutôt qu'aux extrémités.

 

Par matières

DIFFICULTES QUE PEUT RENCONTRER UN ENFANT DYSLEXIQUE

QUE FAIRE, COMMENT LES AIDER

FRANCAIS

 

Dictée

L'orthographe sera encore difficile: erreurs non identifiées, complexité accrue des textes, lenteur pour transcrire, relire et corriger.
Ex :
chou-fleur = chleu-flour, téléphonique = d'éléphonic, en effet = en neffait, regardait = regradait, adversaire = advairsaire.

 

Supprimer 1 à 2 phrases de la dictée.
Lui laisser la possibilité de se relire longuement pendant que les autres achèvent la dictée.
Compter le nombre de fautes et valoriser toute diminution.
Sur le bulletin scolaire, différencier les notes de dictée de celles de grammaire.

Grammaire

Les analyses grammaticales seront d'autant plus complexes à comprendre que leur vocabulaire ne sera pas explicite, ex : proposition subordonnée relative, genre et nombre, nature et fonction.
Comment mémoriser et comprendre si le sens de chaque mot n'est pas défini !

 

S'assurer qu'il comprend et distingue le sens des mots : adj/adv, préposition/proposition, subordonnée….
Utiliser des "trucs" mnémotechniques, ex :
"A dans par pour en vers avec de sans sous".


DIFFICULTES QUE PEUT RENCONTRER UN ENFANT DYSLEXIQUE

QUE FAIRE, COMMENT LES AIDER

Lecture

Silencieuse : freinée ou trop rapide, mais avec, en général, une bonne compréhension globale.
A voix haute : perturbée par l'émotionnel. Les mécanismes de compensation seront plus apparents et donc plus gênants, bloquant la fluidité de la lecture, sans forcément gêner la compréhension du texte, sauf bouleversement émotionnel !

 



Toujours faire ralentir la lecture à voix haute (la vitesse entraînant une augmentation considérable des erreurs dyslexiques).
Ne pas le faire lire devant les autres.

Rédaction

De la même façon qu'il a des difficultés d'expression orale, on retrouvera ces difficultés à l'écrit :
          - Pb d'élaboration de phrases respectant la syntaxe.
          - Niveau de langue trop souvent familier.
          - Vocabulaire pauvre d'où répétitions fréquentes.
          - Maladresse dans l'utilisation des conjugaisons.
          - Négligence de la ponctuation.

Il possède souvent une richesse imaginative "éparpillée" car très associative, mais peu synthétique.

 



Privilégier le fond par rapport à la forme.
Faire des exercices de style.


DIFFICULTES QUE PEUT RENCONTRER UN ENFANT DYSLEXIQUE

QUE FAIRE, COMMENT LES AIDER

Rédaction (suite)

Il ne sait pas faire un plan, des enchaînements et structurer chronologiquement son récit.
A cela s'ajoute les difficultés d'orthographe déjà détaillées qui lui prennent beaucoup de temps.

 

Lui demander de joindre le plan.

Ne pas sanctionner l'orthographe.

LANGUES ETRANGERES

On retrouve les mêmes difficultés que dans sa langue maternelle en lecture, orthographe, conjugaison et grammaire.
ALLEMAND :
Contrairement à l'idée commune, l'allemand est d'un abord plus facile pour le dyslexique (identité avec la phonologie française, clarté des sons, orthographe plus évidente et grammaire certes plus complexe mais structurante).
ANGLAIS :
La difficulté à associer une orthographe et un son est amplifiée par l'inaccoutumance de l'oreille à ces nouveaux sons et de l'œil à ces nouvelles graphies, ex :
through en anglais.
Sons très voisins mais avec un autre sens, ex :
were et where.
Lettres non prononcées mais écrites. Règles des accords différentes.

 









En anglais: travailler la prononciation (même grossièrement ou exagérément) pendant les premières semaines de l'apprentissage en classe de sixième.
Ex:
how = [Ñ ao] \ who = [Ñ ou]
(
Ñ = symbolisation du souffle, c'est-à-dire de l'expiration du h).


DIFFICULTES QUE PEUT RENCONTRER UN ENFANT DYSLEXIQUE

QUE FAIRE, COMMENT LES AIDER

HISTOIRE-GEOGRAPHIE

Problème de chronologie, ex : avant et après J.C, le calcul ne se fait pas dans le même sens pour les années.
Inversion des dates et des chiffres.
Problèmes de repérage dans les schémas et de compréhension des échelles.
Difficulté de mémorisation.
Difficulté d'orthographe face aux mots étrangers et même difficulté de rédaction qu'en expression écrite.

 

 

Utiliser la représentation visuelle, ex : frises chronologiques.
Les aider à découvrir le plan de la leçon pour pouvoir l'apprendre.




Eviter d'enlever des points pour l'orthographe.
Correction positive soulignant les progrès et les réussites.

BIOLOGIE

Difficulté des mots complexes, ex : chlorophylle, diaphragme…
Inversion ou non compréhension des schémas.
Problème de mémorisation.

 

 

Eviter d'enlever des points pour l'orthographe.
Correction positive soulignant les progrès et les réussites.


DIFFICULTES QUE PEUT RENCONTRER UN ENFANT DYSLEXIQUE

QUE FAIRE, COMMENT LES AIDER

MATHEMATIQUES

 

Difficulté à lire les énoncés avec des mots complexes, comme adjacents, circonscrits, parallélogramme, etc…
Inversion des signes, des chiffres, sans que le résultat soit faux.
Mettre > alors que le raisonnement sera fait avec le signe <.
Inversion des repères en géométrie : le haut-le bas, droite-gauche.
Confusion des lettres pour désigner un angle ADC pour ABC.
Problème de visualisation et d'organisation spatiale.



Difficultés pour faire une règle de trois : par quel nombre commencer ?

Conseiller une rééducation logico-mathématiques

Comprendre qu'il peut inverser les signes, mais faire le bon calcul.
Correction positive tenant compte du raisonnement et pas seulement du résultat et soulignant les progrès et les réussites.

Utiliser le sens aussi souvent que possible,
ex :
sécante Ä sécateur Ä se coupant
      
Bissectrice = deux secteurs.
Revenir à l'ancienne règle de trois qui décortique le raisonnement.

PHYSIQUE-CHIMIE

Difficulté du vocabulaire.
Inversion des repères, ex : en électricité inversion des polarités.
Inversion de la logique.
En chimie, difficulté pour mémoriser les signes et les formules.

 

Eviter d'enlever des points pour l'orthographe.
Correction positive tenant compte du raisonnement et pas seulement du résultat et soulignant les progrès et les réussites.


DIFFICULTES QUE PEUT RENCONTRER UN ENFANT DYSLEXIQUE

QUE FAIRE, COMMENT LES AIDER

TECHNOLOGIE

Problème de maladresse manuelle.
Problème de schématisation, d'espace.
Difficulté d'organisation, de planification.

 

MUSIQUE

Difficultés pour le solfège.
Problème auditif, confusion des sons, des lignes de la portée, des clefs.
Difficulté dans la reproduction et la mémorisation des rythmes.

 

DESSIN

Problème de repérage spatial.
Problème de mentalisation.

 

EDUCATION PHYSIQUE

Mémorisation difficile pour l'enchaînement.
Problème de latéralité, de schéma corporel.
Difficulté de coordination motrice espace/temps.
Problème de rythme.

 

Pendant l'apprentissage d'un enchaînement, verbaliser



CONCLUSION

Ces jeunes ont-ils un avenir scolaire ?

Bien sûr, tout autant que les autres avec leurs différences spécifiques.

Le repérage de leurs compétences, au-delà des troubles visibles cachant les réelles possibilités, est une démarche extrêmement importante pour établir un projet d'avenir : prise en charge rééducative, choix scolaires et professionnels. Ce bilan devra donc se faire à différentes reprises afin de bien cerner les difficultés et les progrès.

Les études de la seconde à la terminale, avec le choix des matières principales, leur permettront, le plus souvent, de mieux fonctionner. Par exemple, le français ne représentera plus qu'une note dans leur moyenne, au lieu de quatre ou cinq voire plus dans le primaire et trois ou quatre dans le premier cycle.


Bon nombre de dyslexiques ont fait des études supérieures scientifiques, littéraires ou techniques car ils ont très bien compensé, l'emploi d'outils différents comme l'ordinateur, leur permettant de masquer leur dysorthographie.

Dans la vie professionnelle, les troubles seront présents lors des moments de fatigue ou de stress. Mais le dyslexique aura appris à vivre avec eux et saura les gérer.

Faisons-leur confiance et donnons-leur le temps…..Leur temps !


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