Généralités

LES TROUBLES SPECIFIQUES DU LANGAGE ECRIT

Dyslexie - Dysorthographie

Conférence de Monsieur Ph. ROUX à l'IUFM de Pontoise le 30 mars 1995

 

PARENTS

Dès le CP de votre enfant et dans les années suivantes, vous ressentez douloureusement ses difficultés: quoique normalement intelligent, il est handicapé par des difficultés scolaires tenant à son impossibilité de lire et d'orthographier correctement. Vous voyez ses années d'enfant envahies par cet angoissant problème qui obscurcit son développement personnel sinon même la vie familiale...

ENSEIGNANTS 

Vous êtes confrontés à ce type d'élèves qui vous semble de capacités intellectuelles normales, mais qui résistent à toutes vos démarches pédagogiques en ce qui concerne l'apprentissage et le développement des facultés de lecture et d'orthographe avec souvent des réactions de lassitude, de détresse, voire même de rejet vis à vis de l'écrit, sinon même de la classe.

Plusieurs causes peuvent expliquer cette situation. Mais parmi elles, l'avancée des sciences ces dernières années à permis de cerner mieux un domaine particulièrement important : celui des troubles spécifiques du langage écrit tels que dyslexie et dysorthographie.

 

QU'EST CE QUE LA DYSLEXIE ET LA DYSORTHOGRAPHIE ?

De façon courante, DYSLEXIE et DYSORTHOGRAPHIE sont un ensemble de difficultés durables d'apprentissages fondamentaux de la lecture et de l'orthographe chez un enfant ou un adulte présentant par ailleurs :

  • Un niveau intellectuel normal: les performances en langage écrit sont nettement inférieures aux capacités exprimées dans d'autres domaines (oral, culturel, autres matières hors écrit, etc...).
  • Sans troubles sensoriels ou perceptifs (audition, vue).
  • Sans troubles psychologiques primaires prépondérants durant les années d'apprentissages initiaux.
  • Evoluant dans un environnement affectif, social et culturel normal.
  • Ayant été normalement scolarisé.
 IMPORTANT : Cette définition délimite les aspects spécifiques qui permettent d'identifier la dyslexie/dysorthographie. En effet, d'autres causes peuvent exister dans les problèmes de langage écrit : déficits globaux intellectuels, problèmes psychoaffectifs dominants, difficultés d'environnement, etc…
D'où la nécessité de toujours analyser soigneusement les composantes des difficultés rencontrées, pour localiser et traiter différemment des causes différentes.

 

QUELLES EN SONT LES MANIFESTATIONS ?

Contrairement à une opinion erronée couramment répandue, il n'y pas de " faute type " unique du dyslexique comme l'inversion de lettres ou de syllabes. Les erreurs du dyslexique sont multiples et le plus souvent simultanées " fautes " que fait souvent tout enfant qui apprend en CP/CE1, et qui sont inévitables au début, comme dans tout apprentissage. Le problème est dans leur persistance.

 DYSLEXIE : Anomalies les plus fréquentes :

 Soit dans le déchiffrage :

  • Confusions auditives ou phonétiques ( a/an, s/ch, u/ou ).
  • Confusions visuelles ( p/b, d/b ).
  • Inversions ( or/ro, cri/cir ).
  • Omissions ( bar/ba, arbre/arbe ).
  • Adjonction ( paquet/parquet, odeur/ordeur ).
  • Substitutions ( chauffeur/faucheur ).
  • Contaminations ( dorure/rorure, palier/papier ).
  • Lecture du texte elle même lente, hésitante, saccadée : débit syllabique difficulté à saisir le découpage des mots en syllabes, ignorance de la ponctuation.

 Soit dans la compréhension :

 Le dyslexique ne retire pas de sens, ou seulement partiellement, de ce qu'il déchiffre. Le message du texte lui échappe totalement ou partiellement. Il n'aime pas lire et rejette souvent les matières ou activités qui font appel à l'écrit.

 Soit dans les deux :

 C'est le cas le plus fréquent, il y a conjonction de ces deux types de troubles : Déchiffrage et compréhension fonctionnent " mal "…

 DYSORTHOGRAPHIE : de même que pour la dyslexie, on constate dans la production d'écrits:

 Des fautes en orthographe et des difficultés envers l'écrit semblables à celles du dyslexique.

 D'autres anomalies spécifiques à la mise en écrit :

  • Des erreurs de copie ( recopie des mots ).
  • Des économies de syllabes ( semblable/semble ).
  • Des découpages arbitraires ( l'égume, il sé lance ).
  • Des omissions ( bébé/bb; liberté/librt ).
  • Des mots soudés ( l'image/limage, son nid/soni ).
  • Des fautes de conjugaison, de grammaire, d'analyse.
  • Egalement lenteur d'exécution, hésitations, pauvreté des productions.

QUELLES EN SONT LES CAUSES ?

 Les neurosciences, et particulièrement le développement de la neuropsychologie, ont permis une connaissance plus fine des activités du langage humain, qui sont de niveau "supérieur" dans le fonctionnement général du cerveau. Elles sont très complexes, et mettent en jeu des fonctions cérébrales multiples. Dyslexie et dysorthographie sont dues à un mauvais fonctionnement de ces mécanismes fondamentaux du langage écrit, notamment :

  • Des fonctions langagières proprement dites ("réseaux" spécifiques à la lecture/compréhension)
  • Des fonctions capitales permettant l'acquisition et l'utilisation du langage
    (attention, mémoire, notions d'espace, notion de temps, capacité de logique, de séquentialisation, d'abstraction, etc...).

 Du fait de la multiplicité des facteurs, la dyslexie n'est pas un phénomène homogène, il y a différents types de dyslexie/dysorthographie qui se différencient par le mode de "mauvais traitement" de l'information, la répartition et l'intensité des troubles ( légers, moyens, majeurs ou sévères ).

 

Les dyslexies/dysorthographies sévères apparaissent dès le CP, mais certaines autres peuvent passer longtemps inaperçues. Certaines classes ultérieures peuvent dévoiler une dyslexie jusqu'à lors compensée par des efforts et des stratégies personnelles, ou réactiver les difficultés d'une dyslexie qui paraissait surmontée. Cela signifie que l'enfant bute sur un nouveau niveau de complexification du langage écrit ( et de son contenu ) désormais hors de ses possibilités de compensation.

 Ces troubles du langage écrit sont internationalement reconnus et classifiés par l'OMS. Il est établi qu'ils concernent entre 8 et 10% ( troubles légers inclus ) des enfants normalement scolarisés et atteignent en outre 3 à 4 garçons pour une fille. Cette fréquence est stable dans l'histoire des données connues, et atteint toutes les populations des pays civilisés ( à type de codage écrit semblable ) de la même manière.

 

QUEL RAPPORT AVEC DES DIFFICULTES PSYCHOLOGIQUES OU AFFECTIVES ?

Durant les années d'initiation au langage, des problèmes psychologiques importants peuvent grever lourdement la disponibilité, l'énergie, "l'espace mental" d'un enfant confronté aux apprentissages fondamentaux, qui supposent un énorme effort personnel, et entraîner indisponibilité, rejet du langage, réactions d'opposition ou de refus d'apprentissages ou de contraintes etc…Il s'agit alors plus de "blocages" vis à vis de l'écrit que de troubles spécifiques dyslexiques/dysorthographiques. Ces difficultés psychologiques sont dites "primaires" car préexistantes ou concomitantes à la rencontre de l'enfant avec les apprentissages.

 Par contre, naissent très souvent avec les troubles spécifiques de l'écrit des perturbations psychologiques dites "secondaires", qui vont croissant avec l'âge et l'inadaptation, générées par l'échec et l'infériorité. Elles déclenchent inévitablement une grande détresse personnelle, scolaire ou professionnelle. Il se crée ainsi des situations parfois fixées de névrose d'échec, d'impuissance acquise, de perte d'image de soi, de dépression, de renoncement, etc...toujours douloureuses.

Enfin, dans d'autres cas, ces deux types de problèmes psychologiques peuvent cohabiter et s'inter-aggraver. C'est pourquoi il importe toujours de faire la part des uns et des autres, afin de localiser avec précision la part qui revient aux troubles spécifiques du langage écrit, et celle qui revient aux blocages ou réactions psychologiques, qui freinent les apprentissages. Les réponses à apporter seront en effet très différentes, mais étroitement complémentaires.

 

DEPISTAGE – DIAGNOSTIC – REMEDIATION

Un dépistage est indispensable, aussi précoce que possible. Il est envisageable dès la maternelle pour recenser les signes prédictifs de risques de difficultés à survenir au moment du vrai "contact" avec les apprentissages du langage écrit au CP. Les années à suivre sont elles aussi capitales à surveiller pour éviter l'installation dans l'échec. Il est important que ce dépistage ne soit pas "délégué" uniquement à l'école. Il faut au contraire une association des vigilances des parents, de l'entourage, du médecin de famille souvent consulté et des enseignants. A ce titre, le développement d'une information de base est essentiel.

La dyslexie est une des principales cause d'échec scolaire, puis professionnel voire social. Tant qu'elle n'est pas reconnue, comprise et rééduquée, l'enfant ou l'adulte sont en souffrance, et les attitudes de l'environnement familial, scolaire, ou professionnel souvent inadaptées par ignorance. Chez l'enfant se développe alors le dégout pour l'écrit et le désinvestissement progressif des matières demandant un effort de lecture. Le langage restera alors pauvre, le travail sera lent, on observera une fatigue et une difficulté à transcrire le contenu de la pensée et à intégrer le discours des autres. A long terme pour la vie d'adulte, la dyslexie incorrectement prise en charge est reconnue comme facteur d'inadaptation socioprofessionnelle.

Un diagnostic spécialisé est indispensable, nature, intensité et contextes des troubles étant très variés. Ceci conduit à des examens divers, d'autant plus complets et pluridisciplinaires que les troubles sont complexes et sévères. Ces examens sont notamment du domaine médical, psychologique ( niveau et composition de l'intelligence, état de la personnalité et de son fonctionnement ), orthophonique ( langagier ), psychomoteur, neuropsychologique ( état et articulation des mécanismes essentiels au langage ), scolaire ( enfants ), ainsi qu'une évaluation des contextes familiaux, affectifs, sociaux qui font partie de la personne.

Ces examens sont en général effectués à l'initiative d'un médecin bien informé ou spécialiste (généraliste, neuropédiatre, pédiatre, phoniatre, neurologue, pédopsychiatre), et sont réalisés en plus de l'examen médical par des spécialistes des divers domaines (neuropsychologue, orthophoniste, psychologue, psychomotricien notamment).

Différentes prises en charge rééducatives devront être alors entreprises, d'ordre langagier et neuro-cognitif pour ce qui concerne les mécanismes du langage, d'ordre psychologique ou psychothérapique ( si nécessaire en fonction des dégâts constatés sur la personnalité et la motivation ). Leur nature, pluridisciplinarité, et fréquence dépendra là aussi de la catégorie et de l'intensité du trouble. ( Mêmes intervenants que ceux cités au § précédent, l'orthophonie étant pratiquement toujours une rééducation de base indispensable ).

Parallèlement, une adaptation pédagogique devra être aménagée en classe, pour ajuster les demandes aux progressions scolaires possibles en lien avec les rééducations et conserver des espaces scolaires de valorisation. Dans les formes sévères, une scolarisation temporairement spécialisée peut être bienvenue, si de telles structures existent, pour favoriser largement l'intensité des rééducations et l'harmonisation entre exigences scolaires, rééducatives et psychologiques.

 Egalement, il est très utile d'accompagner le jeune ou l'adulte dans son projet personnel de combattre ses troubles, par un soutien concret ( il aura plus d'efforts à investir qu'un autre ) ainsi que par une communication et une coordination réelle entre médecin, rééducateurs, parents et école. Il faut absolument s'unir pour soutenir, face à un problème complexe…

 

QUEL PRONOSTIC ?

 L'évolution des troubles du langage écrit va dépendre de plusieurs facteurs, qui peuvent varier suivant les enfants concernés en rapport avec:

  • Le type de dyslexie-dysortographique: certaines sont plus ou moins faciles à traiter.
  • L'intensité des troubles: les troubles sévères sont évidemment plus résistants aux rééducations.
  • La précocité du dépistage.
  • L'existence, la régularité et l'intensité des rééducations (souvent pluridisciplinaires dans les cas sévères), qui peuvent durer plusieurs années.
  • Les soutiens rencontrés venant alimenter la motivation, la réparation des vécus d'échec, la réhabilitation de l'écrit et de l'école vécue très souvent jusque-là comme lieu de sanction de l'infériorité.
  • La vigilance, la coopération et la coordination entre famille, école et rééducateurs.

Dans de bonnes conditions de traitement, d'environnement et de soutien, les troubles dyslexiques et dysorthographiques se réduisent. Ils peuvent pratiquement disparaître s'ils étaient d'intensité légère. Les cas sévères laisseront toujours une faiblesse par rapport à l'écrit, mais avec des performances bien améliorées et moins handicapantes permettant des études et formations. C'est pourquoi l'éducation des enfants dyslexiques et dysorthographiques doit particulièrement comporter une éducation à l'effort personnel ( à ne pas " affecter " uniquement à l'école ou aux rééducateurs, mais aussi aux parents ) ils en auront tous à faire toute leur vie.

Enfin, les tolérances et adaptations possibles à travers les structures scolaires ou professionnelles de notre société ( la France est en retard par rapport à la plupart des autres pays ) seront autant de chances d'intégration laissées à ces enfants ou adultes au fonctionnement du langage écrit certes plus difficile mais dont les ressources d'intelligence normale et de richesse personnelle valent celles de nous tous.

Dès le CP de votre enfant et dans les années suivantes, vous ressentez douloureusement ses difficultés : quoique normalement intelligent, il est handicapé par des difficultés scolaires tenant à son impossibilité de lire et d'orthographier correctement. Vous voyez ses années d'enfant envahies par cet angoissant problème qui obscurcit son développement personnel sinon même la vie familiale…

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Cette fiche d'information a été réalisée en collaboration par l'association APEDA-Provence, APEDYS Ile de France et le centre médical et scolaire spécialisé dans les troubles du langage écrit de l'enfant intelligent
"Les Lavandes" - 05700 ORPIERRE.
Les associations APEDYS mettent en commun leurs travaux pour rassembler, informer, soutenir enfants, parents, professionnels, enseignants, afin de combattre ensemble le fléau des troubles du langage écrit.
APEDYS Ile de France peut répondre à toutes demandes de réunions. Pour plus d'informations, s'adresser à
APEDYS Ile de France 5, avenue du Pr Macaigne - 95320 Saint-Leu-La-Forêt. Tel/fax: 01 34 18 23 05.

 


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